À l’approche de l’hiver, la plupart des animaux peuvent éviter le froid en migrant ou en hibernant, mais qu’en est-il de ceux qui font face aux températures glaciales? Dans les profondeurs glacées du bassin versant de la Petitcodiac se cache un monde grouillant de vie, où la survie dépend du mélange délicat de températures glaciales et de conditions impitoyables. Des plus petits invertébrés aux poissons les plus puissants, chaque organisme a mis au point ses propres stratégies pour survivre dans les profondeurs glaciales et s’épanouir au milieu des défis de la saison. Pour survivre à ces conditions, l’acclimatation n’est pas seulement un luxe, mais une nécessité pour que les créatures puissent naviguer dans les eaux glacées avec résilience. La capacité de la vie aquatique à endurer et à prospérer dans les adversités de l’hiver est vraiment impressionnante et met en évidence les défis évolutifs qu’elle a surmontés. Découvrons quelques-uns de ces animaux aquatiques que l’on peut trouver dans le bassin versant de la Petitcodiac!
Photo par Claire Johnson
Il est important de noter tout d’abord comment fonctionnent les propriétés de l’eau. L’eau présente souvent une stratification, c’est-à-dire des couches d’eau à différentes profondeurs qui sont définies par une propriété telle qu’un gradient de température. En été, ce gradient permet à l’eau chaude de remonter à la surface et à l’eau froide de descendre au fond, alors qu’en hiver, c’est l’inverse. En effet, l’eau étant plus dense à 4°C, cette eau plus chaude coule, ce qui permet à l’eau froide moins dense qui gèle à 0°C de créer une couche de glace à la surface, qui agit comme un isolant pour l’eau située en dessous, de sorte qu’elle ne gèle pas toujours solidement au fond. La thermocline est une couche de transition qui sépare les deux couches d’eau dont la température diffère en été et en hiver.
Stratification de la température entre l’été et l’hiver.
Dans les rivières gelées, les poissons utilisent diverses stratégies pour supporter les conditions difficiles et assurer leur survie. Les poissons ont le sang froid. Lorsque les températures chutent et que la glace recouvre la surface de l’eau, de nombreuses espèces de poissons entrent dans un état de dormance car leur taux métabolique diminue considérablement, ce qui leur permet de conserver de l’énergie. Certaines espèces, comme certaines truites et certains saumons du bassin versant de la Petitcodiac, recherchent des fosses profondes ou des zones où les courants sont plus rapides, où l’eau ne gèle pas et reste relativement plus chaude avec des niveaux d’oxygène plus élevés. D’autres s’enfouissent dans les sédiments au fond de la rivière ou se réfugient sous des plates-formes de glace, utilisant ces espaces isolés pour se protéger des températures glaciales. Pendant cette période de repos, les poissons réduisent leur rythme cardiaque et se déplacent le moins possible afin de conserver leur énergie et de réduire, voire d’éliminer, leurs besoins en nourriture. Ils s’orientent même pour permettre au courant de faire passer l’oxygène contre leurs branchies afin d’améliorer l’efficacité des échanges gazeux lorsqu’ils sont immobiles.
Saumon atlantique. https://huddle.today/2021/10/21/aquaculture-technology-key-to-restoring-wild-atlantic-salmon/
Les macroinvertébrés, de minuscules insectes aquatiques qui sont d’importants bioindicateurs de la qualité de l’eau et de la santé des cours d’eau des bassins versants, ont des stratégies très fascinantes pour faire face au froid. Contrairement à d’autres, les mouches de pierre restent actives pour se réchauffer et profitent des insectes qui hibernent pour s’en nourrir. Elles peuvent vivre dans la glace car elles produisent des sucres antigel qui permettent à leur température corporelle de descendre jusqu’à -4°C sans qu’elles ne gèlent ! Les escargots s’enfouissent dans la boue pour profiter de la chaleur géothermique pendant environ trois mois ou jusqu’à ce qu’ils sentent le changement d’humidité dans le sol au moment du dégel. Les moules d’eau douce sont également connues pour s’enfouir dans la boue afin d’éviter de geler. Les moucherons ralentissent leurs mouvements et, comme les mouches des pierres, produisent des protéines qui agissent comme un antigel pour rester en vie. Les vers aquatiques ont la capacité intéressante de former une chrysalide, une enveloppe dure qu’ils produisent et dans laquelle ils s’enferment pour se protéger des conditions hivernales, avant d’en ressortir au printemps !
Mouche de la pierre. https://www.iwla.org/publications/blog/blog/clean-water-corner/2019/01/02/what-happens-to-stream-life-when-the-temperatures-drop
Les tortues des bois survivent à l’hiver en rampant dans des embâcles ou des racines d’arbres sous l’eau pour se cacher des prédateurs dans des bassins riches en oxygène, où elles entrent dans un état de dormance, ralentissant leur métabolisme pour conserver de l’énergie jusqu’à l’arrivée de températures plus chaudes. La question qui se pose alors est la suivante : comment respirent-ils ? Ils peuvent absorber l’oxygène directement dans l’eau grâce à des capillaires situés sur le palais et le cloaque (leur derrière !), ce qui fait d’eux des animaux très gazeux.
Tortue des bois. Photo par John Kleopfer/ VDWR. https://dwr.virginia.gov/wildlife/information/wood-turtle/
De nombreux mammifères hibernent pendant l’hiver, mais pas les castors. Les castors sont des ingénieurs de l’écosystème car ils construisent de solides barrages isolés en bois et en boue, partiellement immergés dans la rivière, avec une « pièce sèche » surélevée où la famille se blottit en échangeant la chaleur corporelle pour survivre aux températures froides. Les castors accumulent jusqu’à 60 % de graisse supplémentaire dans leur queue pour stocker l’énergie nécessaire aux hivers rigoureux et ils réduisent leur activité pour la conserver. Les castors sont également d’excellentes couvertures imperméables intégrées, car leur fourrure s’épaissit en hiver pour isoler la chaleur de leur corps et possède des propriétés hydrofuges grâce à l’huile sécrétée par leur peau.
Castors en quête de nourriture. Photo d’Ann Brokelman. https://beachmetro.com/2020/03/14/on-the-wild-side-weird-winter-weather-allowed-a-glimpse-into-the-lives-of-beavers/
Ces comportements et adaptations remarquables permettent aux animaux aquatiques de résister aux défis posés par les rivières gelées et d’émerger avec résilience à l’approche du dégel printanier. Toutefois, l’inconstance de nos hivers due au changement climatique a suscité des inquiétudes quant à la manière dont elle pourrait affecter la capacité de ces animaux à faire face aux fluctuations des températures, en provoquant de faux printemps et en décalant le moment de l’émergence et en soulignant les changements physiologiques et comportementaux qui s’ensuivent.
Références:
Briggs, K. (2020, April 8). Trapped Under The Ice: How Wood Turtles Survive the Winter. The Orianne Society. https://www.oriannesociety.org/faces-of-the- forest/winterwoodturtles/
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Matveev, E. (2023). Fighting the Freeze: How Do Water Animals Survive the Winter? Fernie Fix Lifestyle Magazine | Fernie BC Events and News. https://www.ferniefix.com/article/health/fighting-freeze-how-do-water-animals- survive-winter
Maxham, S. (n.d.). What Happens to Stream Life When the Temperature Drops? Izaak Walton League Blog. Retrieved March 13, 2024, from https://www.iwla.org/publications/blog/blog/clean-water-corner/2019/01/02/what-happens-to-stream-life-when-the-temperatures-drop
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